La chair a ses raisons
Solo pour bout de viande sensible, La chair a ses raisons a mis dans la carcasse tous les mots de l’histoire. Sous la peau, les récits, tendus de leur désir nerveux, se heurtent et coagulent. La chair comme glaise primaire d’où émergeront toutes les histoires à venir. Le corps, seul et nu comme unique réservoir métaphorique, la viande humaine déposée simplement sur l’étal du plateau, planche à disséquer les contes en devenir. Notre début est une page noire, et sur ce support rien ne s’inscrit jamais de manière définitive. Dans ce clair-obscur d’aube, ou de crépuscule, de genèse ajournée, on va jouer au théâtre : « L’endroit d’où l’on regarde ». Ou bien encore : le lieu où l’expérience vécue transcende son anecdote pour nous parler de nous. Ou peut-être aussi : l’espace où il est admis que les choses ne sont jamais seulement ce qu’elles sont…
La chair a ses raisons est une étude sur les chairs et leur capacité à dire, par la trace et la promesse, un peu de cet en-commun manifeste et fuyant qui nous relie tous. Elle est l’hypothèse posée du corps comme matrice de la pensée, terrain de nos conflits premiers, terreau de toutes les histoires. Nous sommes ici juste avant. Juste avant le culturel et le sexué. Juste avant que des chairs en amas l’homme n’émerge. Cette proposition est la recherche d’un peu, qui serait la possibilité d’un tout. La tentative de la suspension du “je”, momentanément, pour qu’en son absence, dans l’espace ouvert des métamorphoses émerge la possibilité d’un désir commun. Celui, murmuré, de la communauté. L’espace de partage que cela occasionne est un moment de trouble où l’on doute de la nature de ce que l’on est en train de voir. Dans les creux et les plis de ces chairs tressaillantes, se déploient de petits théâtres de beauté et de monstruosité. Se retrouver en situation de devoir gérer le flou pour se positionner, entre attraction et répulsion, entre reconnaissance et sentiment d’étrangeté. Ce qui est particulièrement à l’œuvre dans le dénuement de la proposition, sa sobriété de mise en jeu, c’est l’ingérence de la fiction dans le réel. Ou l’inverse. Un moment de vertige contemplatif pour inverser, dans un doute conscient, l’ordre de la beauté des choses.
- Solo pour bout de viande sensible
- Format 35 min + 25 min d'échange
- Chorégraphie et interprétation : Mathieu Desseigne-Ravel
- Conseil artistique : Sara Vanderieck et Lucien Reynès
- Création lumière : Pauline Guyonnet
- Création sonore : Philippe Perrin
« A force d’acrobatie, Mathieu Desseigne montre les muscles mais loin d’un énième tour de force, il surprend par sa poésie et sa sensibilité. Un spectacle à l’échelle d’un corps qui prend des allures de voyage. »
Teatrorama